Un petit blog juste pour lire des reflexions d'auteurs qui ont un point de vue different sur le monde tel qu'il est
Le 1er décembre 2008 par Michel Tarrier –
entomologiste au Museum d'histoire naturelle
La Revue des Resssources
« En permettant l’homme, la nature a commis beaucoup
plus qu’une erreur de calcul ; un attentat contre elle-même. »
Emil Cioran.
Un précepte en
guise de préliminaire et d’avertissement
Les
civilisations qui ont sombré d’elles-mêmes furent pour le moins victimes de
deux errances majeures : une gestion abusive de leurs ressources et une totale
absence de régulation démographique. Ce phénomène paradoxal peut se nommer
autogénocide. Ces deux comportements erronés sont si absurdes qu’on ne les
appliquerait même pas à la maison ! Ce sont pourtant ces modes qui régissent et
définissent l’actuelle période « pétrolivore » que nous nommerons oléocène de
notre anthropocène, nouvelle ère géologique succédant à l’holocène.
La Terre n’est
pas extensible, c’est un truisme. L’avenir ne nous commande plus l’expansion,
mais la récession sous forme de décroissance natale (et économique !). Moins
nous serons nombreux, plus nous serons prospères, voire heureux.
La bombe P
On aura tout
essayé : vaines religions, morales oiseuses, altruisme pieu, humanisme à sens
unique, mises en garde objectives, modélisées et « statistiquées »... Georges
Bush père l’avait bel et bien avoué : « Notre mode de vie n’est pas négociable
! ». Et quel mode, les Nord-Américains (pas tous !) ne veulent pas partager
leur big burger...
En dépit de ses
capacités cognitives, notre drôle d’espèce semble dans la plus indigente
incapacité de se contrôler, de ne plus tout détruire, tout envahir, tout
décimer, de ne plus faire la guerre aux autres hommes, de ne plus faire la
guerre à la nature. C’est presque trop tard, c’est même trop tard. La planète
est en déliquescence, de plus en plus de contrées sont touchées, de plus en
plus de gens ont une vie pourrie, on le constate, on en témoigne dans de
savants symposiums et au café du commerce, on le dit, on le répète, ce n’est
plus niable et ce n’est donc plus évitable. Du silex à Hiroshima, notre progrès
n’aura été que technologique, si peu humain. Nous utilisons Internet mais nous
avons conservé des reflexes médiévaux, si tant est que le Moyen-âge fut la
période sombrement rustique à laquelle on nous fait accroire. Notre fameuse intelligence
: pure idiotie !? Ou bien serions-nous simplement des milliards d’imbéciles
obéissant toujours à de sinistres pouvoirs, des hordes de gueux gavés ou
faméliques mais éblouis par une ploutocratie tyrannique ? Qui sont ces gens de
pouvoir, quelles sont leurs malsaines inspirations ? La folie ? Tous
Napoléon-Hitler-Pot-Bush ? Sauf Saint-Louis (...) et Obama ?! Probablement et
c’est en tout cas la seule et unique réponse disponible.
Des chiffres
tourmentés et commentés
Homo sapiens est
la pire espèce invasive.
5,2 milliards
d’hectares sur 13 milliards (40 %) de terres émergées sont menacées d’une
irréversible désertification.
Notre monde est
passé de 250 millions à quasiment 6,7 milliards d’habitants depuis l’an 1 de
l’ère chrétienne.
Pour détailler
un peu et prendre le pouls démographique de chaque grande contrée, donnons
quelques chiffres comparatifs depuis l’incontournable Jésus-Christ jusqu’à l’an
2000 (date du bug avorté !) : Chine (et Corée) de 70 millions à 1,280 milliard
; Inde (Pakistan et Bangladesh compris) de 45 millions à 1,320 milliards ;
Japon de 300 000 à 126 millions ; Europe (et Russie) de 40 à 782 millions ;
Afrique (sans l’Afrique du Nord) de 12 à 660 millions ! ; Océanie de 1 à 30
millions ; Amérique du Nord de 2 à 307 millions ! ; Amérique latine de 1 à 600
millions.
Derrière ces
chiffres se cache un grave problème : celui de la fracture sociale entre pays
riches et pays pauvres.
En augmentant de
4 milliards, la population planétaire a triplé depuis 1950.
Chaque jour, il
y a environ 400 000 personnes en plus sur la Terre et la population actuelle de
6,7 milliards d’êtres humains s’accroît chaque année de plus de 80 millions de
personnes.
Nous ne
totalisions que 3 milliards de terriens en 1960 pour presque 7 milliards
aujourd’hui.
Les cinq ou six
dernières décennies ont vu le triplement de la population humaine : de 220
millions en 1950 à 800 millions en 2000 pour le continent Africain, de 330 à
800 pour l’Américain, de 1 400 à 4 000 pour l’Asiatique et de 400 à 600
millions enfin pour l’Europe. Les chiffres sont exponentiels partout, sauf pour
l’Europe qui n’a enflé que de 50 %.
Quoi qu’on en
dise, nous avons toutes les preuves que la planète ne pourra pas nourrir 9
milliards de terriens en 2050 ou 17 milliards en 2100, à moins que, miracle, le
monde occidental n’adopte la philosophie vitale de la simplicité volontaire,
cesse de manger de la viande, de recourir aux transports coûteux et parvienne à
une incontournable iniquité, celle qui consisterait à juguler le développement
de la Chine, de l’Inde et du Brésil !
La France
elle-même dénote un désir nataliste, dangereux et irresponsable. Dans les
années 1960, le gaulliste Michel Debré, vertueux parmi les vertueux, suggérait
un effectif de 100 millions de français (« Et moi, et moi, et moi... ! »). En 1988 dans sa Lettre aux Français,
François Mitterrand se référait à « Une France pauvre d’enfants dans une Europe
plus pauvre encore », et Jacques Chirac donnait de la voix quand il déclarait
en 1994 que « Le recul de la natalité porte en germe la baisse de notre
compétitivité ». Il n’est pas sûr que ce
rêve-cauchemar soit mis au rancart quand le chanoine Sarkozy se vante de
l’accroissement démographique franco-franchouillard dans une interview à France
3 le 21 avril 2008. Avec 64 473 000 de personnes recensées au 1er janvier 2008,
la France accuserait-elle une carence démographique et souffrirait-elle d’un
complexe de Hong-Kong ? Faut-il sauver la planète ou seulement les caisses de
retraite ?
Paradoxalement
aux idées religieuses et au machisme toujours en vigueur, avec 1,29 enfants par
femme, l’Espagne atteste un subit effondrement des naissances qui place ce pays
dans le peloton de tête de la dépopulation européenne avant même l’Allemagne
lucide (1,36) et aux côtés de bien des pays de l’Est (1,20 à 1,33).
L’indicateur de fécondité conjoncturelle de l’Europe des vingt-cinq est de
1,51. Autre paradoxe pour une société longtemps rendue bigote par le franquisme
et ses séquelles, les allocations familiales n’y existaient pas. Inquiet de cet
effondrement nataliste, le gouvernement de Zapatero les a instaurées en 2007.
C’est plutôt kitch !
Un bel et
édifiant exemple est germanique. En 2035, l’Allemagne sera le pays à la
population la plus âgée. Une femme sur quatre y renonce à avoir des enfants et,
pour les diplômées universitaires, c’est une sur deux ! « L’élite de la
République ne se reproduit plus » rapportait le magazine Der Spiegel en 2005.
La population de
l’Inde a dépassé le milliard d’habitants et engendre chaque année 19 millions
de personnes. En un an, l’Inde s’accroît de plus d’habitants que la population
totale des Pays-Bas, pays surpeuplé de presque 17 millions d’habitants. Comment
l’Inde pourrait- elle trouver le nécessaire pour entretenir chaque année 19
millions d’habitants supplémentaires, alors que les terres cultivables se
rétrécissent drastiquement ? Contrairement à la Chine et nonobstant sa
situation démographique tout à fait dramatique, l’’Inde n’observe ni politique
de planning familial, ni la moindre mesure coercitive de régulation nataliste.
Avec un
territoire à 94 % aride et désertique, l’Égypte (79 000 000 d’habitants)
comptera une population humaine de 120 millions en 2050 !! Un enfant y naît
toutes les 23,5 secondes (évaluation de 1995). Cette grande nation est ruinée par
un islam bloquant tout progrès culturel, barrant toute émancipation de la femme
et toute option restrictive en matière démographique, condamnant les citoyens
assujettis à une pauvreté sociale, culturelle et économique à nulle autre
pareille
Depuis le XXe
siècle, le continent Africain connaît un boom démographique exceptionnel : 302
millions d’habitants en 1975, 591,3 millions en 2001, 855 millions en 2004, 922
millions en 2005. 45 % de la population africaine vit dans quatre pays : le
Nigeria, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo et l’Afrique du Sud.
En République
populaire de Chine (1,3 milliard d’habitants) « L’État encourage la
planification familiale pour assurer l’harmonie entre la croissance
démographique et les plans de développement économique et social », c’est
l’article 25 de la constitution chinoise et du malthusianisme ainsi
constitutionalisé. Mais rappelons que la Chine est tout de même une dictature
et que le palliatif de l’enfant unique imposé est discutable parce qu’il se traduit
par un infanticide des filles. Depuis 2002, le versement d’une somme de 5000
yuans (510 euros) permet la naissance légale d’un deuxième enfant. Le salaire
moyen urbain n’étant que de 1200 yuans, l’amende est évidemment dissuasive. La
Commission chinoise pour la population et la planification familiale se
félicite pourtant d’une économie de 400 millions de naissances puisque le taux
de fécondité est passé de 5,8 enfants par femme dans les années 1970 à 1,8
actuellement.
Vers une vie
invivable
En 2050, il n’y
aura plus ni pétrole, ni gaz, donc plus de transports viables (marchandises,
produits alimentaires...), ni d’agriculture productiviste. Sans la révolution
verte conférée par les engrais azotés provenant de la pétrochimie, nous
n’aurions pu alimenter et donc générer une telle surpopulation. Il a été dit et
redit qu’une agriculture naturelle, strictement induite par le soleil et l’eau
ne pouvait nourrir davantage que 2 ou 3 milliards de terriens. Mais après nous
avoir empoisonnés avec une alimentation bourrée de résidus chimiques et
médicamenteux, après avoir conféré la mort biologique du sol par une agrochimie
démentielle, on nous assure maintenant qu’une agriculture biologique serait
susceptible de nourrir 12 milliards de personnes. Soit ! Mais au-delà de ces 12
milliards qui interviendront bien avant la fin du siècle, que fera-t-on ?
Après avoir géré
sur un mode minier les ressources, à la veille des disettes et des
tarissements, alors que les derniers filons commencent à poindre à l’horizon de
ce millénaire, nous voici pathétiquement angoissés par des dates fatidiques :
2040 : fin de l’uranium / 2050 : fin du pétrole / 2072 : fin du gaz naturel /
2087 : fin du fer / 2158 : fin du charbon, entre autres fins de ressources
inscrites en ce début de millénaire (d’après le magazine Science et Vie hors
série N° 243 de juin 2008 : Construire un monde durable). Ajoutons que le pic
forestier est déjà dernière nous et que nous inaugurons la sixième phase
d’extinction massive des espèces, la première pour cause anthropique.
Au fur et à
mesure que ces carences vont survenir, dans la totale incapacité que nous
sommes de les compenser à hauteur de l’incommensurable besoin, la vie deviendra
progressivement invivable, les pénuries engendreront les pires conflits, notamment
une guerre mondiale pour l’appropriation des ultimes sources alimentaires et
énergétiques.
On a cru que la
biomasse (agroénergie, agrocarburants, biocarburants, bioéthanol, biodiesel,
biogaz, biométhane...), imaginée comme renouvelable, allait remplacer les
énergies fossiles, mais nous savons déjà qu’il s’agit d’un chemin erroné.
Palmier à huile, betterave, colza, soja, tournesol, canne à sucre, orge, maïs,
seigle, riz... ne peuvent être cultivés à grande échelle qu’en défrichant des
terres qui n’avèrent déjà insuffisantes pour nourrir la population planétaire.
Leur raffinage nécessite des quantités astronomiques d’eau. Faminogènes pour
les pays du Sud, l’avènement de tels nécrocarburants serait un crime contre
l’humanité. On sait aussi que leur utilisation ne réduirait en rien nos
problèmes de pollution et des émissions de CO2. Quant à la biomasse de seconde
génération, de source ligno-cellulosique non comestible (bois, feuilles,
paille...), sa production est à l’image des énergies douces et reste aléatoire
à l’échelon des besoins planétaires.
D’ici 2050, deux
milliards de personnes, c’est-à-dire 20 % des terriens, souffriront d’une
carence d’eau. 3,2 milliards d’humains en manqueront totalement en 2080. On
dénombre déjà plus de trois cents zones de conflits potentiels pour la maîtrise
des fleuves internationaux, comme le Nil ou l’Euphrate, ou celle des nappes
phréatiques. 1,1 milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à une eau
de boisson provenant d’une source améliorée et seulement 10 milliards de
dollars permettraient chaque année l’accès à l’eau à ce 1,1 milliard de
personnes. 2,6 milliards de gens ne sont pas raccordés à un service
d’assainissement de base. Certains rapports avancent que 15 000 personnes
meurent quotidiennement de maladies transmises par l’eau, soit 10 fois plus que
de tués par la guerre.
À qui profite le
crime démographique ?
« N’est-ce pas
le seul espoir de la planète que les civilisations industrielles s’écroulent ?
N’est-ce pas notre responsabilité d’y travailler ? », déclarait Maurice Strong,
à la tête du Sommet de la Terre de Rio 1992 pavant la voie au Protocole de
Kyoto. « La cause immédiate de la crise écologique est le capitalisme qui est
un cancer dans la biosphère », ajoute Murray Bookchin, de l’Institut for Social
Ecology (USA).
Derrière la
bonne parole nataliste, à masque paternaliste, sont tapies d’immondes
arrière-pensées économiques, militaires, nationalistes, racistes, handicapées
d’une myopie écologique hypothéquant tout futur universel. Avec ce que l’on sait
maintenant, encourager la surpopulation, c’est cautionner un crime volontaire
contre l’humanité. Les ressources n’étant pas élastiques, l’appropriation des
plus forts ne peut qu’entraîner une famine des plus faibles.
«
Travail-famille-patrie » et ses variantes du style « dieu-patrie-roi », telles
sont les trilogiques recettes des peuples voués au lapinisme, corvéables à
merci, disponibles sur un geste, pour le plus grand profit des marchands
d’armes (de bible et de coran réunis), soutenus par les dogmatismes religieux.
On fit même construire à une multitude forcée et pour la multitude soumise, de
pharaoniques cathédrales, sous les coups de fouet et au prix du sang. Il faut
faire des petits pour fournir la clientèle au lobby du travail (main d’œuvre, nouveaux
esclavagistes, travailler plus et jusqu’à 70 ans pour gagner moins / choisir
son dimanche en travaillant pour le même salaire que le lundi, ou bien pour
dilapider son gain au temple hypermarché qui ne ferme plus). Il faut engendrer
au plus grand profit du lobby consumériste en tous genres, pour celui de la
santé (le même qui nous rend malades promet de nous soigner), pour ses filières
médicopharmaceutiques, vaccinales..., pour celui agrochimique et semencier
auquel il faut rendre grâce de nous nourrir au meilleur rapport vie/mort (plus
de bouches à nourrir, plus de corps à soigner, davantage de profits en
perspectives).
Les guerres, les
cataclysmes, les pandémies sauraient écrémer les populations et faire respirer
la Terre si politiques, religieux, industriels et banquiers ne suggéraient à
chaque fois aux survivants de bonne volonté de remettre le couvert, de féconder
davantage pour une énième remise à niveau. Finalement, procréer c’est peupler
les cimetières.
Quelques
écogitations politiquement incorrectes
Nous feignons
d’ignorer la finitude d’un monde dans laquelle notre multitude puise
allègrement et sans relâche.
Il faut quelque
chose de plus qu’un couple pour faire un enfant, il faut au moins une planète
viable.
Le problème
n’est pas tant d’engendrer un bébé que de faire subséquemment un adulte.
Posséder une
famille nombreuse n’est-il pas un délit environnemental, une grave atteinte à
la planète et à l’avenir commun ?
Pour un ami de
la Terre, toute abstinence à la procréation humaine, toute pénurie des
naissances sont reçues comme de bonnes nouvelles.
Sans peur ni
reproche du métissage, le renouvellement des générations des pays développés
devra se faire par les immigrants.
Contrairement à
toute logique, la décroissance démographique reste un problème épineux, un
énorme tabou qui n’ose pas dire son nom, un scandale qui provoque tous les
courroux.
Suggérer de
modérer la démographie d’un monde en proie à la surpopulation semble relever de
l’outrage, de l’infamie, tant le thème appartient à la langue de bois.
Si vous estimez
que nous n’avons aucune responsabilité ni vis-à-vis des 11 millions d’enfants
qui meurent chaque année avant d’atteindre leur cinquième anniversaire, ni à
l’endroit des 900 millions de personnes sous-alimentées, encore moins des espèces
végétales et animales qui disparaissent à la vitesse grand V, que notre
reproduction n’est pas excessive ou en tout cas acquittée de telles
accusations, alors oui, faites encore et encore des enfants. Mais faites vite !
La fécondité
humaine est une malédiction.
Quelques
générations vouées à seulement un enfant par femme, voire assurer un soutien
financier aux couples qui n’enfanteraient pas, serait cependant le programme
d’une politique volontariste, courageuse et écoconsciente.
La survie de
l’humanité dépend du possible, et non de l’impossible.
L’impossible, on
l’a dit, c’est une meilleure gestion et une plus juste répartition des
ressources. On a tout essayé depuis des lustres et même la morale égalitaire
professée par les grands livres n’a pas donné les résultats escomptés.
Le possible pour
cultiver les futurs, c’est d’encourager une mondialisation de la dénatalité.
Tout pacte
écologique devrait sous-tendre l’idée d’un pacte antinataliste et le souci
démographique devra être imbriqué à celui écologique, les deux thèmes étant
incontestablement rétroactifs.
Les handicaps,
le front des vertueux, une vraie vérité qui dérange
La propagande
nataliste est rampante, sournoise et insidieuse. Elle est généralement le fait
des partis politiques les plus rétrogrades et liberticides qui soient, ceux qui
prônent simultanément des valeurs fétides, comme le racisme, le sexisme et le
spécisme, ceux qui évidemment n’inscrivent l’écologie qu’à contrecœur à leur
programme et n’en font qu’un hochet électoral, une occasion de blanchiment vert
au profit d’un marché de dupes. Le populationnisme est frère de lait du
populisme, c’est toujours une doctrine de masse niant toute dignité, toute
légitimité. Chez ces chantres patriotiques et jamais mondialistes (dans le sens
universaliste du mondialisme et non mercantiliste de la mondialisation !), la
dépendance des hommes est celle d’une providence divine, la souffrance n’est
pas vue comme misère, mais comme une épreuve de force génératrice de santé. Une
population croissante stimule l’orgueil et le prestige national (Front National
!). Pour les colporteurs du dogme, fascinés par le troupeau, s’abstenir
d’enfanter est à la limite du péché. On se reproduit ou on se confesse.
Comment vaincre
et convaincre les curés, les rabbins, les imams et tous les autres dictateurs
religieux, aveuglément opposés à la contraception, préférant que les enfants
meurent de faim ou sautent sur des mines antipersonnel, plutôt que d’empêcher
leur naissance ? Où le dogme blesse, c’est qu’il interdit la réflexion. Les
autorités religieuses forment une véritable association de malfaiteurs avec les
nouveaux marchands du temple générés par un néolibéralisme en proie à un
instinct forcené du profit. À leur service, les pouvoirs publics se refuseront
toujours à adopter une politique démographique restrictive. N’en déplaise à
l’ignoble propagande des vertueux, il n’y a qu’une raison légitime et
éco-malthusienne de ne pas avoir d’enfant, c’est de ne pas surpeupler davantage
la seule planète dont nous disposions. Les discours vertueux sont toujours
acclamés, notamment par ceux qui n’y perçoivent pas l’irréalisme, voire le
cynisme, bien que la mise en pratique de ces discours soit la cause de leur
misère quotidienne. Si elles acceptent de régresser, les sociétés obèses détiennent
la clé budgétaire pour assister celles faméliques. L’Occident aura alors moins
à redouter des ventres pleins que de ceux vides, les gens qui sont à l’aise
chez eux n’ont aucune envie d’aller chercher des eldorados. Ce n’est pas le cas
des Haïtiens, des Cariocas, des Cairotes ou des Bangladais, des Thaïs et des
Malais, qui, l’estomac resserré, ne se découragent pas de reproduire pour
envoyer leurs enfants chercher des pépites d’or dans les immondices ou proposer
leur corps à la transgression morale du tourisme sexuel (ce sont chaque année
85 millions de touristes occidentaux qui choisissent leur destination selon
l’offre sexuelle).
Les briseurs de
tabou et quelques éloquences
Depuis Malthus
le maudit, pasteur anglican de la fin du XVIIIe siècle, et David Ricardo,
économiste du XIXe siècle, peu de personnalités se sont aventurées sur le
chemin de la dépopulation, tant le risque d’anathème et de lynchage
intellectuel est grand. Les déclarations éco-malthusiennes exigeant du courage
ou un brin de folie, elles se comptent donc sur les doigts de la main.
C’est en 1968
que le Club de Rome charge une équipe d’experts du Massachusetts Institute of
Technology d’un rapport ambitieux susceptible de préconiser des solutions
pratiques aux problématiques planétaires. Sorti en 1972 sous le nom de Limits
of Growth (Halte à la croissance ?), l’étude met en exergue les dangers
écologiques de la croissance économique et surtout démographique. Avec un
second rapport publié en 1974, ces travaux sont connus sous le nom de rapports
Meadows et défendent la croissance zéro, soit un équilibre au lieu d’une
croissance réelle. A l’époque, la démographie s’accélèrerait d’une année sur
l’autre, atteignait 3,6 milliards d’habitants en 1970 après avoir doublé tous
les 32 ans. Quant à la croissance économique, elle favorisait les pays
développés, accroissant ainsi les disparités de développement : « Les riches
s’enrichissent et les pauvres font des enfants ».
La seule ONG qui
se soit immiscée sur le terrain dénataliste fut le WWF lors de son 3e congrès
de 1973 qui avançait que l’explosion démographique était la cause principale de
la crise de l’environnement. Le WWF affirmait alors sa conviction que tous les
gouvernements avaient le devoir d’envisager les mesures à prendre sur le plan
mondial pour stabiliser et finalement ramener la population humaine à un niveau
adapté à la capacité de charge des terres et des océans. Ces mesures devaient
être concrétisées de toute urgence, non seulement en vue d’assurer la
conservation des ressources naturelles, mais également pour permettre à
l’humanité de jouir d’une qualité optimale de vie. Il semblerait bien qu’une
telle sortie n’ait pas eu l’heur de séduire et si le WWF fait la légitime
promotion de l’empreinte écologique susceptible de culpabiliser dans le bon
sens tout un chacun, l’association internationale se contente de brandir le
besoin d’une seconde planète à l’horizon 2030, sans s’appesantir davantage sur
la sacro-sainte procréation responsable de la fourmilière humaine.
Ken Smail,
professeur au département d’anthropologie du Kenyon College (Ohio, USA), auteur
de plusieurs articles et essais sur la population parus notamment dans
Population and Environment, Politics and the Life Sciences, est un dénataliste
convaincu. On pourra lire un article de lui, traduit de World Watch et
disponible sur la toile : Réduction de la population mondiale : faire face à
l’inévitable.
Bernard Werber,
auteur culte, est l’actuel communicant majeur en matière de limitation
démographique. Il désigne la surpopulation comme la cause de nos malheurs dans
la plupart de ses interviews sur le sujet écologique qui lui tient à cœur. Il
interpella Nicolas Hulot lors de l’émission Riposte du 5 octobre 2008, mais ce
dernier esquiva l’embarrassante question (embarrassante quand il s’agit de ne
pas déplaire aux maîtres du monde, très douteux sponsors).
«
L’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une
diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie
non-humaine requiert une telle diminution. »
Arne Naess, 1973
« Ne me parlez
pas de pénurie. Mon monde est vaste et a plus qu’assez - pour un nombre limité.
Il n’y a pénurie de rien, à part de volonté et sagesse ; mais il y a un surplus
de gens. » Garrett Hardin, 1975.
« Un humanisme
bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la
vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre. »
Claude
Lévi-Strauss, 1968
« Notre société
devient une société de consommation effrénée. C’est un cercle vicieux que je
compare au cancer... Devrions-nous éliminer la souffrance, les maladies ?
L’idée est belle, mais peut-être pas profitable à long terme. Notre peur des
maladies ne doit pas mettre en danger le futur de notre espèce. C’est une chose
terrible à dire. Mais pour stabiliser la population mondiale, nous devons
éliminer 350.000 personnes par jour. C’est une chose horrible à dire, mais ne
rien dire l’est encore plus. »
Jacques-Yves
Cousteau, interview publiée par le Courrier de l’Unesco, novembre 1991.
« Nous périrons
sous les berceaux. Nous sommes le Cancer de la Terre ; la pullulation de
l’espèce humaine est responsable d’une pollution ingérable par la nature. Cela
est tellement évident qu’on se demande de quel aveuglement sont frappés nos
dirigeants. La nature, dans sa grande sagesse, essaie de nous aider ; les cas
de stérilité sans cause apparente s’accroissent - comme d’ailleurs
s’accroissent les orphelins et enfants abandonnés et maltraités ! »
Jacques-Yves
Cousteau, citation extraite du livre Le réveil de la conscience de Jacqueline
Bousquet et Sylvie Simon, 2003.
« Dans les
bidonvilles, j’avais chargé un docteur de prescrire la pilule, afin que les
femmes n’aient pas un bébé tous les dix mois. J’avais vu une femme enceinte
allaiter deux bébés ; je ne pouvais laisser perdurer cette situation. J’ai
envoyé une lettre directe au Pape pour lui expliquer. Je n’ai jamais eu de
réponse... »
Sœur Emmanuelle,
2003
La récente
publication de mon livre pamphlétaire Faire des enfants tue, éloge de la
dénatalité, fit bien des remous et me valut une fatwa catholique des plus
détestable. Certaines citations en ont été tirées et sont largement reprises
par des analystes bienveillants.
« La
surpopulation est un crime contre l’humanité. »
« Faire des enfants
nuit gravement à la planète. »
« Si on aime les
enfants, il ne faut pas en faire. »
Michel Tarrier,
2008
Eh bien,
décroissez maintenant (que le mal est fait) !
Petit retour à
la pataphysique transcendantale... !
Ou comment, sur
un rêve plombé par un dogme, on a fini par détruire notre maison du
quaternaire.
Dieu (qui
n’existe pas) aurait dit à Adam et à Eve (qui n’ont pas davantage existés) : «
Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la Terre et soumettez-là ; ayez
autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur tout ce
qui est vivant et qui remue sur la Terre. » (Genèse 1, 28). A partir de ces prémices, le pape Jean Paul II
s’engouffrera dans un populationnisme exacerbé dans son discours du 18 mai 1990
à l’Académie pontificale des sciences : « La pression de la population est très
souvent citée comme une des causes majeures de la destruction des forêts
tropicales. Quoi qu’il en soit, il est essentiel d’établir que l’expansion
démographique n’est pas seulement un problème de statistiques ; c’est une
question profondément morale. En condamner les pressions, y compris
économiques, auxquelles les gens sont soumis, spécialement dans les pays les
plus pauvres, pour qu’ils acceptent des programmes de contrôle des naissances,
l’Eglise soutient inlassablement la liberté des couples de décider du nombre de
leurs enfants selon la loi morale et leur foi religieuse. » Et de surenchérir
en 1999, des fois que l’on puisse croire en un anachronique éco-malthusianisme
de papauté : « Il semble que ce qui est le plus dangereux pour la création et
pour l’homme soit le manque de respect pour les lois de la nature et la
disparition du sens de la vie. Comment est-il possible de défendre de façon
efficace la nature si l’on justifie les initiatives qui frappent au cœur de la
création, qui est l’existence même de l’homme ? Est-il possible de s’opposer à
la destruction du monde, si au nom du bien-être et de la commodité, l’on admet
l’extermination des enfants à naître, la mort provoquée des personnes âgées et
des malades ». Pas plus de pilule que de
préservatif, pas plus d’IVG que d’euthanasie, l’homme doit s’accrocher à la vie
en troupeau surnuméraire, à n’importe quel prix. Dans le rébarbatif écosystème
vaticanesque, vrai repoussoir du vivant, il n’y a point de corrélation entre la
pression démographique et les chocs écologiques. Ce que veut l’Église, autant
le dire tout de suite, c’est une Chine de plus de 2 milliards d’habitants
souffrant de tous les maux de la Terre.
Le mal est fait,
le troupeau humain a plus ou moins obéi, y compris lorsqu’il était mené par la
religion communiste, nous avons été féconds, nous avons remplis une Terre
désormais exsangue. Maintenant que nous avons tout bousillé, reste à décroître,
à reconstruire les écosystèmes ou à suivre les conseils du WWF en cherchant une
seconde planète aux mêmes vertus que Gaïa.
Les mesures
mondiales d’une politique volontariste qui n’adviendra jamais
Faute d’un
recours démocratiquement accepté à la simplicité volontaire, à une économie de
frugalité, à un recul des disparités en vue d’un meilleur partage, tous vœux
louables mais relevant du plus idéaliste scoutisme qui ne ferait que de nous
berner pendant qu’on se marche les uns sur les autres, une attitude de
bienveillante dictature verte se devrait d’imposer d’urgence quelques mesures
coercitives encore loin de la stérilisation des femmes et de la castration des
hommes.
L’idée d’un
coïtus interruptus planetarius n’était qu’un mot plaisant que j’avais lancé.
Nous disposons
d’une gamme très variée de parades contraceptives disponible pour les deux
sexes afin de continuer à jouir sans procréer, sur une planète qui brûle !
En dernier
recours curatif, il convient d’exorciser l’IVG, n’en déplaise aux mouvements
intégristes qui nous suggèrent qu’il ne faut pas tuer Mozart dans l’œuf et
auxquels nous répondons que c’est peut-être seulement Hitler que nous tuons, la
musique n’étant pas plus héréditaire que la mégalomanie criminelle !
Mais il n’y aura
pas dépopulation sans contraintes.
La sagesse
futurible doit nous conduire à inverser les tendances, à proclamer caduques
pour nuisibilité les allocations familiales, à les proscrire partout,
maintenant et tout de suite.
À l’opposé, il
conviendrait de décréter comme crime environnemental la tentative de fonder une
famille nombreuse, de grever d’une lourde et progressive amende toute naissance
au-delà d’un seul enfant par femme, voire d’assurer des avantages sociaux aux
couples ayant renoncé à procréer.
Une certaine
honte de ne pas avoir enfanté doit devenir fierté, c’est laisser son
égo-conscience au vestiaire et revêtir une éco-conscience.
La revendication
d’une Terre-patrie, notion tant espérée des citoyens de la Terre, autoriserait
l’abolition des barrières et des frontières, mettrait à bas bien des disparités
et c’est une démographie métisse et fortement régulée qui assumerait le destin
d’un Homo sapiens enfin devenu raisonnable et « humain ».
Tout handicap à
l’adoption s’en trouverait biffé : chaque enfant est mon enfant.
C’est en mettant
le Sud dans le Nord que l’écologie humaine cesserait de stagner en son stade
alpha qui fait que nous continuons à ressentir plus d’empathie pour l’enfant
d’ici que pour celui de là-bas.
La jeunesse vive
résultant du trop plein des pays que nous avons sciemment appauvris pourrait
ainsi venir rajeunir nos vieilles nations et en qualité de jeunes travailleurs
donner un coup de pousse aux caisses de retraite. À moins que nos nations en
déconfiture parce que ravagées par la faillite du système en chute libre ne
connaissent un chômage exponentiel, entretenu sciemment en proposant à des
vieillards de travailler jusqu’à leur mort !
Mais certains
conservateurs cruels et kleptocrates invétérés préfèrent peut-être maintenir le
racket sur les ex-colonies ravagées et spoliées par nos soins, dits pays en
voie de développement, et ne pas baisser la garde à l’endroit de la dette
extérieure, insolvable et pour cause, issue de prêts souverains d’états
avancés, de la Banque mondiale, du FMI...
Enfin, toutes
recherches médicales intentées dans le sens de l’allongement de la durée de la
vie serait proscrite et privée de crédits. Il est maintenant question d’une
longévité de l’homme et de la femme occidentales qui devrait atteindre 100 et
110 ans ! Où va-t-on ?
La grande
question est : par où commencer, et subsidiairement : comment imposer ce
nouveau point de vue aux pays émergents. Il faudrait d’abord faire voter cette
nouvelle politique démographique et familiale par le Parlement européen, de
façon à pouvoir l’appliquer dans tous les pays de l’Union. Au même titre que
l’on devra envisager l’ingérence écologique, il faudra instituer l’ingérence
démographique. Sachant qu’un Grenelle de la démographie serait aussi absurde
que l’est le Grenelle de l’écologie, pour n’avoir qu’une trop exigüe grille
d’application géographique, ce sont des organismes rompus à la mondialisation
qui devront s’en charger (Unesco, FMI, OMS...). Les pays industrialisés doivent
sans plus tarder soutenir les pays pauvres dans le financement d’une politique
contraceptive et anti-démographique imposée, car c’est le seul moyen de limiter
cette démographie incontrôlée qui gangrène la Terre entière.
Finissons par
une bonne nouvelle, tout n’étant pas négatif...
Il s’agit d’une
hypofertilité du mâle humain (dégradation de 30 % du sperme) comme conséquences
au stress, mais surtout au stockage dans notre physiologie de tous les résidus
médicamenteux et autres pesticides que notre bonne société nous fait
ingurgiter, si ce n’est respirer. Voilà donc le stérilisateur enfin stérilisé !
Louons donc
Monsanto & Co et suggérons aux empoisonneurs patentés le lancement sur le
marché d’un biocide extrême que nous nommerons « Toujours plus » et qui aurait
la vertu finale de rendre stérile les consommateurs actifs ou passifs, pauvres
ou riches, croyants ou athées, de gauche comme de droite, végétariens ou
viandards, du Nord au Sud, en long, en large, en travers et dans tous les sens.
Vivre moins
nombreux pour que tout le monde puisse tout simplement vivre.
Et acceptons
notre nombrilisme, quand on dit enfant de l’amour, c’est davantage de l’amour
du couple que de celui du futur terrien dont il s’agit. Une preuve en est que
l’accouchement sans douleur pour soulager la maman fut inventé bien avant celui
sans violence pour préserver le nouveau-né. Charité bien ordonnée... C’est
édifiant.
P.S. : Les
quelque cinq heures utiles à rédiger ce texte ont vu la population mondiale
passer de 6 776 518 532 (5 novembre 2008, 13h40) à 6 776 565 212 humains
(18h58), soit un apport d’effectif de 46 680 personnes (Source : compteur de
l’Ined).